La chronique à laquelle vous avez échappé : La cinquième tête de Cerbère de Gene Wolfe

Publié le par Epikt

Vous ne savez pas combien de papiers je commence pour le Glop ? ou Pas Glop ? sans pouvoir les achever de manière satisfaisante et encore moins combien j’en planifie sans même en écrire le premier mot. C’est donc aussi à ça que servira ce blog, parler un peu de ses critiques mortes (plus ou moins) nées, surtout quand j’en dit du bien.
Des petites réflexions en vrac, en attendant que peut-être j’en fasse vraiment quelque chose.


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Donc voilà, ces derniers jours (la semaine dernière) j’achève la (re)lecture du roman par lequel il y a quelques années j’ai découvert Gene Wolfe (qui depuis compte parmis les auteurs que j'estime le plus), La cinquième tête de Cerbère (jadis acheté d’occase au Livre de Poche, depuis réédité dans la collection Ailleurs et Demain de R Laffont). Un livre qui tranche avec les autres « grandes oeuvres » de l’auteur (je pense particulièrement à L’Ombre du bourreau et à Soldat des brumes, ainsi qu’à leurs suites respectives) d’un coté par sa longueur modeste (400 pages tout de même), sa structure (trois novellas confrontées et mises en relation) et le genre qu’il emprunte (globalement science-fiction, même si comme à chaque fois on pourra chipoter).
Mais qui d’un certain coté (et ça je ne m’en rendais bien évidemment pas compte lors de ma première lecture) s’inscrit parfaitement dans les thématiques abordées dans les oeuvres suscitées, voir carrément les englobent. En quelque sorte en tout cas (pas de doute, cette phrase restera dans les annales).
Pour schématiser grossièrement un des thèmes marquants et centraux de L’Ombre du bourreau et de Soldat des brumes est la mémoire, qui devient même formellement primordiale dans le second : le héros perd chaque nuit ses souvenirs, et le texte que nous lisons est le journal qu’il écrit chaque soir pour le relire le matin et se souvenir de qui il est. Au total opposé, Severian dans L’Ombre du bourreau est doté de la mémoire absolue et est incapable d’oublier quoi que ce soit. Que ces quelques lignes ne viennent pas restreindre la lecture de ces deux oeuvres, qui ne s’y limitent bien entendu pas.
Mais cela nous intéresse à la lecture de La cinquième tête de Cerbère – écrit plusieurs années avant ces deux cycles (1972, contre 1980 et 1986 pour les premiers tomes). Le livre est composé de trois longues nouvelles, sans trop de rapport à priori que ce soit dans la forme, le fond ou le genre, mais néanmoins liées par un univers (qui prend certes de formes différentes) et un personnage (qui est tour à tour personnage secondaire, rapporteur du récit et objet d’enquête) communs et théâtre d’un jeu de résonances entre les récits. Et le lecteur de déceler ci et là des incohérences ou des contradictions entre les différentes visions, de trouver chez l’une la clef pour comprendre l’autre voir la remettre en question. Le livre est alors traversé par une obsession fondamentale : l’écriture tout d’abord, puis la recherche et finalement la transmission de la vérité à travers le récit, qu’il soit oral, écrit, fragments d’archives ou simple légende. Une question qu’il convient de se poser aussi en temps que lecteur.
Hum... vous voyez le rapport avec la confrontation mémoire / récit de ses oeuvres futures ?
Intéressant quoiqu’il en soit de voir chez Gene Wolfe émerger ces thèmes dès sa seconde publication, lui qui tout le long de son oeuvre sera l’auteur de fictions brouillant toujours les pistes et remettant constamment en cause ce qu’elles représentent. Enfin... on ne pourra encore une fois pas le réduire à cela (1). En quelque sorte en tout cas !


(1) outre un style magnifique (servit par une très bonne traduction, de Guy Abadia pour le présent livre) s’y trouvent quelques idées assez énormes <SPOILER !!!!> entre autres cet « individu » qui à travers une lignée de clones successifs utilisant une méthode de relaxation (le terme est-il le même en français ?) tente l’approximation de sa personne originelle.



La cinquième tête de Cerbère (The Fifth Head of Cerberus) de Gene Wolfe, 1972
Edition française : 1976 (Robert Laffont, Ailleurs et demain) traduit par Guy Abadia, réédité en 2006

L’Ombre du bourreau (The Shadow of the Torturer) de Gene Wolfe, 1980
Edition française : 1981 (Denoël, Présence du futur) traduit par William Olivier Desmond, réédité en 2006 (Denoël, Lunes d’encre)

Soldat des brumes (Soldier of the Mist) de Gene Wolfe, 1986
Edition française : 1988 (Denoël, Présence du futur) traduit par William Olivier Desmond (réédition annoncée)

Illustration : Feux de Lorenzo Mattotti (Le Seuil)
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